Système éducatif

Saint Jean Bosco fut un éducateur de génie. Son intelligence pénétrante, son bon sens et sa spiritualité profonde l’ont guidé dans la mise au point d’un système éducatif qui vise à développer toute la personne – corps, cœur, intelligence et esprit. Ce système favorise la croissance dans la liberté, en mettant le jeune au cœur de toute l’action éducative.

Pour distinguer sa méthode du système éducatif répressif qui prévalait en Italie au 19ème siècle, il l’a appelée « système préventif » – justement parce qu’il cherche le moyen de prévenir l’obligation de punir, en plaçant le jeune dans un climat où il est encouragé à donner le meilleur de lui même. Il s’agit d’une approche adéquate, amicale et intégrale de l’éducation.

Ce système crée un climat qui « attire dehors » (é-duquer) le meilleur du jeune, qui encourage l’expression complète et entière de soi, qui aide le jeune à acquérir les comportements qui le mènent à choisir ce qui est bien, sain, joyeux et qui fait grandir la vie.

Le Système préventif de Don Bosco

De cette expérience découlent sa pratique pastorale et son style pédagogique.Vie spirituelle, dévouement apostolique, méthode d’éducation sont les trois aspects d’une unique réalité : l’amour, la charité pastorale qui unifie et anime toute l’existence : être dans l’Église signes et porteurs de l’amour de Dieu pour les jeunes.

« Ce système s’appuie sur trois piliers : la raison, la religion et l’affection » [en italien : amorevolezza] (Don Bosco).

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Une méthodologie pédagogique (Pédagogie)
Une offre d’évangélisation aux jeunes (Pastorale)
Une expérience spirituelle (Spiritualité)

Raison : Les valeurs du bien, les objectifs à poursuivre

Le terme « raison » exprime, conformément à la vision authentique de l’humanisme chrétien, la valeur de la personne, de la conscience, de la nature humaine, de la culture, du monde du travail, de la vie sociale, ou en d’autres mots, ce vaste ensemble de valeurs qui constitue l’équipement indispensable de l’homme dans sa vie familiale, civile et politique. Dans l’encyclique Redemptor Hominis, j’ai rappelé que « Jésus-Christ est la voie principale de l’Église : elle conduit du Christ à l’homme ».

Il est remarquable de constater qu’il y a plus de cent ans déjà, Don Bosco attribuait beaucoup d’importance aux aspects humains et à la condition historique du sujet : à sa liberté, à sa préparation à la vie et à un métier, à l’acceptation de responsabilités civiles, dans un climat de joie et de dévouement généreux envers le prochain. Il exprimait ces objectifs en utilisant des mots simples et forts à la fois: « joie », « étude », « piété », « sagesse », « travail », « bonté ». Son idéal éducatif était marqué de modération et de réalisme. Dans son projet pédagogique, il réunit avec bonheur la permanence de l’essentiel et la contingence de l’historique, le traditionnel et la nouveauté. Don Bosco présente aux jeunes un programme simple et en même temps exigeant, résumé dans une formule bien trouvée et suggestive: « honnête citoyen, parce que bon chrétien ».

Bref, la raison en laquelle Don Bosco voit un don de Dieu et une obligation incontournable pour un éducateur, exprime les valeurs du bien, ainsi que les objectifs à poursuivre, les moyens et les méthodes à utiliser. La raison invite les jeunes à comprendre ces valeurs et à les partager. Don Bosco définit aussi la raison comme le bon sens nécessaire pour créer cet espace de compréhension, de dialogue et de patience inusable dans lequel puisse se pratiquer l’exercice pas toujours facile de la rationalité.

Tout cela suppose, bien sûr, aujourd’hui, une anthropologie mise à jour, intégrale, exempte de tout réductionnisme idéologique. L’éducateur moderne doit savoir lire attentivement les signes des temps pour en identifier les valeurs émergentes qui attirent les jeunes : la paix, la liberté, la justice, la communion et la participation, la promotion de la femme, la solidarité, le développement, les urgences écologiques.

(Jean-Paul II, Lettre Juvenum Patris, 10).

Religion : La formation du croyant

Le deuxième terme, la « religion », exprime que la pédagogie de Don Bosco est fondamentalement transcendante, par le fait que l’objectif ultime de l’éducation qu’elle se donne, c’est la formation du croyant. Pour Don Bosco, l’homme éduqué et adulte, c’est le citoyen croyant qui met au cœur de sa vie l’idéal de l’homme nouveau annoncé par Jésus-Christ et qui témoigne courageusement de ses propres convictions religieuses.

Il ne s’agit pas – comme on peut le voir – d’une religion spéculative et abstraite, mais d’une foi vivante, enracinée dans la réalité, faite de présence et de communion, d’écoute et de docilité à la grâce. Comme Don Bosco aimait le répéter, « les colonnes de l’édifice éducatif » sont les sacrements de l’Eucharistie et de la Pénitence, la dévotion à la Vierge, l’amour de l’Église et de ses pasteurs. L’éducation qu’il propose est un « chemin » de prière, de liturgie, de vie sacramentelle, de direction spirituelle ; pour certains même, l’engagement dans une vie consacrée (combien de prêtres et de religieux ont été formés dans les maisons salésiennes !). Pour tous, c’est l’objectif et la poursuite de la sainteté.

Don Bosco est le prêtre zélé qui rapporte à son fondement révélé tout ce qu’il reçoit, vit et donne. Cet aspect de la transcendance religieuse, fondement de la méthode pédagogique de Don Bosco, non seulement est applicable à toutes les cultures, mais peut aussi être adapté avantageusement aux religions non chrétiennes.

(Jean-Paul II, Lettre Juvenum Patris, 11).

[Amorevolezza] Affection : Aimé et se savoir aimé

Enfin, du point de vue méthodolique, l’affection (en italien : amorevolezza). Il s’agit d’une conduite quotidienne, qui n’est pas simplement amour humain ni seulement charité surnaturelle. Elle exprime une réalité complexe et implique la disponibilité, des choix corrects et des comportements pertinents. L’affection se traduit par l’engagement de l’éducateur en tant que personne entièrement dévouée au bien des éduqués, présente au milieu d’eux, prompte à accepter les sacrifices et les fatigues requis pour l’accomplissement de sa mission. Tout cela exige une vraie disponibilité
aux jeunes, une sympathie profonde pour eux et la capacité de dialoguer avec eux. Typique et combien éclairante cette déclaration de Don Bosco : « Avec vous je me sens bien : être avec vous, c’est toute ma vie ». Et celle-ci, qui exprime une heureuse intuition : « Il faut que les jeunes, non seulement soient aimés, mais qu’ils se sentent aimés. »

Par conséquent, le vrai éducateur participe à la vie des jeunes, s’intéresse à leurs problèmes, cherche à savoir comment ils voient les choses ; il prend part à leurs activités sportives et culturelles, à leurs conversations. Il se comporte avec eux comme un ami adulte et responsable ; il leur propose des objectifs et des chemins vers le bien ; il est prêt à intervenir pour éclaircir les problèmes, pour donner des critères d’évaluation, pour corriger avec prudence et fermeté aimable des jugements et des comportements répréhensibles. Dans un tel climat de « présence pédagogique », l’éducateur ne se considère pas comme un « supérieur », mais comme « un père, un frère, un ami. »

Ce but est obtenu principalement par l’établissement de relations personnelles. Don Bosco aimait utiliser le mot « familiarité » pour définir la relation adéquate entre les éducateurs et les jeunes. Sa longue expérience l’a convaincu que, sans la familiarité, on ne peut pas exprimer l’amour, et que sans cette expression ne peut pas naître cette confiance qui est la condition indispensable pour la réussite de l’éducation. Les buts à atteindre, les programmes, les choix méthodologiques se concrétisent et gagnent en efficacité s’ils sont vécus dans un climat serein, joyeux et stimulant.

À ce sujet, il faut au moins rappeler la large place et le sérieux que Don Bosco accordait aux moments de récréation, au sport, à la musique, au théâtre ou – comme il aimait dire – à la « cour de récréation ». C’est là, dans la spontanéité et la joie des rapports, que l’éducateur avisé choisit les façons d’intervenir, affables dans l’expression, et efficaces par leur continuité et le climat d’amitié dans lequel elles se pratiquent. La rencontre, pour être éducative, exige un intérêt constant et profond qui amène l’éducateur à connaître les jeunes individuellement mais aussi les composantes du milieu culturel qu’ils partagent.

Il s’agit d’une attention intelligente et aimante aux aspirations, aux jugements de valeurs, aux conditionnements, aux situations de vie, aux modèles ambiants, aux tensions, revendications et offres collectives. Il s’agit de percevoir l’urgence de la formation de la conscience, du sens de la famille et de la société civile, de la maturation dans l’amour et dans une vision chrétienne de la sexualité, de la capacité critique et de la juste souplesse dans l’évolution de l’âge et de la mentalité. Il convient de garder clairement à l’esprit que la jeunesse n’est pas seulement un moment de passage, mais un moment réel de grâce pour la constitution de la personnalité.

Aujourd’hui encore, bien sûr dans un contexte culturel différent et avec des jeunes de religion non-chrétienne, cette caractéristique constitue l’une des nombreuses exigences, sérieuses et originales, de la pédagogie de Don Bosco.

(Jean-Paul II, Lettre Juvenum Patris, 12).